Un après-midi dans le théâtre des rêves

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Si Andy Wharol était vivant, il aurait sans doute portraituré David Beckham, tant l'icône est devenue une sorte de Paris Hilton au masculin. L'idole plait aux non pratiquants du football car les croyants, eux, préfèrent Paul Scholes, son ancien partenaire de Manchester United.

L'un n'est plus qu'un produit marketing vendu à Los Angeles Galaxy qui le payera 150 000 euros par jour; l'autre organise toujours le jeu de M.U., du haut des ses 518 matchs et 136 buts chez les Reds Devils. Leur père spirituel, Sir Alex Ferguson, transféra au Real Madrid la vedette londonienne, mais il a conservé l'artiste Scholes, Mancunien pure souche, qui ne séduit pas les médias car il est roux et à la peau blanche. Le play-boy contre poil de carotte.

Quelle que soit l'affiche, plus de 76 000 personnes se rendent à Old Trafford pour y encourager le stratège Scholes qui aiguillonne la nouvelle couvée de «Ferguson Babes». Dès qu'il a donné un récital en sol majeur, il redevient Monsieur Tout le Monde au coeur de sa ville natale, détestant se transformer en homme-sandwich. Quand Beckham s'apprêtera à évoluer dans un championnat au ras des pâquerettes, Scholes aura peut-être le bonheur de fêter son septième titre de champion d'Angleterre, si M.U. maintient à distance les Londoniens de Chelsea.

Le club a joué samedi contre Charlton (2-0) et affrontera Lille en huitièmes de finale aller de la Ligue des Champions, le 20 février. Mais le sacre national est beaucoup plus important que la Ligue des Champions, cerise sur le pudding. Avant 1950, la Fédération anglaise refusait de disputer la Coupe du Monde, jugeant trop faibles les autres nations.

Old Trafford est encerclé par des marchands de maillots ou de fish and chips. Près du Megastore, on côtoie la force de police montée et aucune violence. La statue du dirigeant Sir Matt Busby domine le flot de supporters qui ont en mémoire le crash de 1958 où périt toute une génération, excepté Bobby Charlton. La vente du club à l'américain Malcom Glazer, contre 773M€, n'a pas fait perdre l'âme du club ni sa culture de l'attaque. La légende a un prix: la pub sur le maillot rapporte 56,5M€.

Dans la lignée d'Eric Cantona, le virtuose Cristiano Ronaldo régale l'assistance avec ses dribbles sur l'aile, non loin du mythe vivant Ryan Giggs (697 matches, 138 buts). La méthode de Ferguson insuffle le bon esprit dans les vestiaires pour que les footballeurs «y jouent la naturelle comédie humaine». Le manager résiste à ses concurrents José Mourinho et Arsène Wenger. Couvert d'or et de trophées, il saute de joie dès que les siens marquent. Un enfant de 65 c'est très rare.

Celui qui assiste à un match à Old Trafford est envoûté par le théâtre des rêves sans grille. 90% des places sont vendues sur abonnement. Le reste est disponible sur Internet, contre 50 euros au minimum. Ce prix exclut les pères de famille nombreuse, condamnés au poste de télévision. Après le drame du Heysel, Mme Thatcher mit hors d'état de nuire les hooligans pour reconstruire l'image de l'Angleterre. On peut y dénoncer quelqu'un d'agressif alors que la délation a des relents vichystes en France. Grâce aux chants des fans, on réalise que l'on est au pays des Beatles. Le jeu est si vif qu'on ne voit pas le temps passer. Ici, souffle l'esprit du football. Que Manchester United gagne ou perde, on l'applaudit.

Cet article a été écrit par Bernard Mortino pour le Figaro

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