La logique de Po-Poll

Consultant pour le Daily Mail, cet ancien arbitre international de nationalité anglaise qui a pris sa retraite à la fin de la saison 2006-2007 est à présent consultant pour le Daily Mail. Et il aime donner son avis sur le football anglais, plus particulièrement sur les performances (ou contre-performances) de ses ex-collègues en noir.

Ces quinze derniers jours, United a été au coeur de deux grosses controverses en ce qui concerne l'arbitrage.

Le contexte

Le 25 avril, menés 2-0 par Tottenham à la pause, sur notre pelouse, United entame une fantastique remontée qui nous voit l'emporter 5-2. Le premier but mancunien, probablement un tournant dans le match, a été inscrit sur penalty : sur une superbe passe en profondeur de Rooney, Carrick se présente seul face à Gomes. Le gardien brésilien plonge dans les pieds de l'international anglais et emporte en même temps le joueur et le ballon. L'arbitre, Howard Webb, siffle un penalty qui indignera Harry Redknapp, ses joueurs, les commentateurs de Setanta et une bonne partie des fans anglais et de la presse british. Gomes, au passage, reçoit un jaune.

Le 5 mai, dominant totalement Arsenal sur le score de 4-0 sur l'ensemble des deux matchs, dont 3 buts inscrits en terrain ennemi, United concède un penalty qui ne changera de toute façon pas le cours du match. Darren Fletcher effectue un excellent retour pour tenter d'empêcher Cesc Fabregas de réduire la marque, tacle, touche le ballon mais descend l'Espagnol dans le même temps. L'arbitre, Roberto Rosetti, siffle penalty et expulse l'Ecossais, qui se voit ainsi privé de finale de Champions League.

Sur ces deux actions, on est arrivés au même débat. Contre Tottenham, Gomes touche le ballon, mais Howard Webb nous accorde un penalty. Contre Arsenal, Fletcher touche le ballon, mais Roberto Rosetti nous accorde un penalty. Le tacle de Fletch aurait pu être plus dangereux pour Fabregas que le plongeon de Gomes dans les pieds de Carrick, mais il n'empêche qu'il joue clairement le ballon, parvenant à le dévier, et manque surtout de chance en emportant ensuite son adversaire.

Cependant, M. Poll a deux visions totalement différentes de ces deux situations.

Après United - Spurs : la lâcheté de Webb

"Bien sûr, Manchester United a eu de la chance de se voir accorder un penalty par Howard Webb. Même à pleine vitesse, c'est évident qu'Heurelho Gomes dévie le ballon de la trajectoire imposée par Michael Carrick."

"Le ballon a quasiment été contré suivant un angle droit, ce qui indique à n'importe quel arbitre - surtout un aussi expériménté que Webb - que le gardien a touché le cuir. Mais Webb a inexplicablement sifflé un penalty. La réaction de Gomes aurait dû dire à Webb qu'il avait tort mais je pense, en étudiant sa propre réaction, qu'il l'avait compris également."

"D'habitude, Webb est une figure imposante et intimidante, enclin à utiliser le langage du corps pour maîtriser chaque situation. Après cette décision, on aurait dit qu'il voulait disparaître. Et regardez ça :
- 21 mars 2000, Portsmouth v WBA : Webb accorde un penalty à la 26e minute
- 19 avril 2005, Boro v Fulham : Rob Styles accorde un penalty à la 90e minute
- 20 avril 2008, Newcastle v Sunderland : Mike Dean accorde un penalty à la 45e minute"

"Le rapport entre les trois? A chaque fois, l'arbitre les a accordés à l'équipe à domicile, le match suivant l'annonce comme quoi il arbitrerait la finale de la FA Cup. Et les trois avaient tort. On dirait qu'il y a un désir de prouver que vous être le meilleur arbitre et que vous avez l'audace de prendre une grosse décision. D'expérience, je sais que ce n'est pas une bonne approche. Maintenant, Webb doit retourner aux bases."

Après Arsenal - United : Rosetti n'avait pas le choix

"L'arbitre italien Roberto Rosetti a fait un bon match, et peut justifier le fait d'avoir donné un penalty après que Darren Fletcher ait fauché Cesc Fabregas. Quand les commentateurs et anciens joueurs disent : 'Il a touché le ballon, donc il ne peut pas y avoir faute', ils ont tort."

"Même si Fletcher a légèrement touché la balle, Rosetti a senti qu'il était impossible pour le milieu de terrain de Manchester United d'éviter le contact avec son adversaire ensuite. Donc, il n'avait pas d'autre option que d'exclure l'Ecossais."

"Pour ce qui est de l'appel, l'UEFA ne l'accorde pas, sauf dans les cas où l'arbitre s'est trompé en excluant le mauvais joueur. La décision de l'arbitre est définitive et un joueur qui a reçu un carton rouge est suspendu pour au moins un match. Ce match, malheureusement pour Fletcher et United, est le chef d'oeuvre final du football européen."

Analyse

- Il est vrai qu'observer la réaction d'un joueur qui a concédé un penalty pour savoir si on a bien fait de l'accorder ou pas est la meilleure chose à faire pour un arbitre. En général, le joueur en question est tout à fait d'accord, affiche un large sourire et félicite l'officiel de la justesse de la décision. On n'a jamais vu un joueur gesticuler dans tous les sens pour exprimer son désaccord dans une telle situation, sauf quand il avait raison.

- Lorsque Gomes a plongé dans les pieds de Carrick, Howard Webb aurait dû sentir, comme Rosetti hier, que le Brésilien toucherait le ballon et stopperait ensuite miraculeusement sa glissade à un micromètre des jambes de notre joueur. Mais il n'est probablement pas assez intelligent pour cela.

- Enfin, M. Poll est mal placé pour parler des arbitres qui veulent prouver qu'ils peuvent prendre des décisions importantes en faisant référence à MM. Webb, Styles et Dean. Car celui qui a été le plus audacieux en la matière n'est autre que lui-même. Après tout, expulser un joueur après son troisième carton jaune en un match montre bien quel excellent arbitre il est lui-même (Croatie - Australie, Coupe du Monde 2006).

Certes, cela ne nous ramènera pas Fletch pour la finale, mais c'est quand même assez comique qu'un ancien arbitre international arrive à se contredire si grossièrement à dix jours d'intervalle, selon que la décision soit en notre faveur ou en notre défaveur. Bien joué, Graham.