La transformation de Fletcher

Dans l'hystérie du triomphe en Champions League à Moscou, Darren Fletcher était ailleurs, intérieurement au moins. Trempé par la pluie plutôt que par la sueur, le remplaçant a rejoint ses collègues pour faire la fête, mais il était à un carrefour. Il a passé la majeure partie de la saison 2007/08 sur le banc. Les tabloïds en vinrent même à annoncer un départ de Fletcher d’Old Trafford. Il sembla que ce fut le début d’une nouvelle aventure.

Le nouveau chapitre commença, néanmoins, avec la signature d’un nouveau contrat avec les Reds. Le moment choisi, au début de la saison 2008/09, incita Sir Alex Ferguson a le décrire comme "le soulagement de la saison." Et la pleine confiance du manager en son compatriote a été particulièrement récompensée depuis cette signature. La transformation du joueur de 25 ans depuis les 18 derniers mois a été extrêmement rapide. Le joueur au grand cœur, mais à la frêle carrure, n’est plus l’arme secrète de Sir Alex. Le talent de Fletch est maintenant connu de tous. Deux buts dans le derby de Manchester ont couronné une série de performances exemplaires, démontrant toutes les qualités d'un milieu de grande classe, sa valeur est plus élevée que jamais.

Indubitablement, la cause première de son émergence a été la patience : une vertu que Fletcher partage avec Sir Alex. Durant les moments de doutes émanant de certaines catégories de supporters, et des mois de relative inactivité – seulement 5 titularisations en 2007/08 – Fletcher fut apaisé par les garanties de son manager que cette fois, cela viendrait. Toutes questions inquisitrices de journalistes rencontrèrent une réponse directe. En août 2008, il déclara : "Je vais travailler dur et me servir de chaque déception comme carburant pour rentrer dans l’équipe."

Fletch a toujours tenu parole. Il redoubla d’efforts – et ne regarda pas en arrière. C’est le modèle que tout aspirant à devenir Red devrait suivre. Déjà naturellement en bonne forme physique, il se poussa lui même à un régime éprouvant, évoluant en un 'spécimen' physique. "Il a pris la décision réfléchie de revenir après Moscou et de travailler dur", déclare le coach physique de l’équipe première Tony Strudwick. "Il récolte maintenant les honneurs d’être un joueur professionnel de grande classe."

"Il y a définitivement eu un changement dans sa manière d’appréhender ses entraînements la saison dernière. Quand je suis arrivé au club, Fletch allait directement dans le jacuzzi après l’entraînement et il rechignait à aller à la salle de gym. Darren a du prendre conscience de ce qu’être un joueur professionnel impliquait. Maintenant, il est l’un des premiers à la salle de gym le matin, et souvent dans les derniers à partir après l’entraînement. En tant que coach physique, c’est tout ce que vous pouvez leur donner. La motivation vient de l’intérieur. Darren en possède en abondance."

Fletcher n’hésite pas à parler de l’influence de la force et du conditionnement du coach Mike Clegg comme étant le facteur clé de sa transformation. Fini le jeune joueur léger et svelte qui évitait les haltères. A la place, nous avons maintenant un joueur professionnel infaillible qui maitrise complètement son corps. Clegg, qui sait se fait entendre, a conduit Fletch dans la bonne direction en lui montrant un parfait exemple de la perfection physique : Cristiano Ronaldo. "Je travaille avec Darren depuis son adolescence", déclare Clegg. "Mais il n’avançait pas. Je lui ai dit de regarder Ronaldo et la façon dont il était complètement dévoué. Il venait à la salle de gym chaque matin et après chaque séance d’entraînement. Si Darren voulait sortir le meilleur de lui même, il devait intégrer ça. Alors, il a commencé à suivre un programme et a progressivement travaillé encore et encore, et après 18-20 mois, ça a payé."

"Il faut trouver un équilibre entre la salle de gym et le reste – peu de joueurs y arrivent. Darren a appris le secret en trouvant le juste milieu entre ce que tu fais sur le terrain et ce que tu fais à la salle de gym. Pour le moment, il a vraiment mis le doigts dessus. Il est à la salle de gym tous les jours. Certains jours, je lui dis qu’il a besoin d’en faire plus ; d’autres je dois lui dire qu’il en a fait assez. C’est un équilibre à trouver et Darren l’a parfaitement fait. Le seul autre joueur avec lequel j’ai travaillé qui était si précis c’était Ronaldo. "

De grandes éloges, en effet. Mais Clegg n’en a pas terminé avec les compliments. "Le style de vie de Fletch est parfait. Ce n’est pas juste dû à son entraînement, à son régime, ou au fait qu’il ne boive pas d’alcool. Il a une femme adorable, d’adorables enfants, un bon style de vie et il réalise ses rêves. C’est quelqu’un de très motivé, de très heureux qui réussit dans son travail."

Les durs moments passés en salle de gym ont rendu les choses plus aisées sur le terrain grâce à la force et à la puissance de Fletcher qui ont été travaillées. Mais son niveau naturel de résistance a toujours été élevé – rappelons nous la demi-finale victorieuse en FA Cup en 2004, où le jeune Fletch, alors âgé de 20 ans, a baladé Patrick Vieira et compagnie alors que Roy Keane criait les ordres. Cette image d’un Fletcher en perpétuel mouvement est restée longtemps dans la tête des supporters qui l’ont peut être perçu comme un joueur plein d’énergie, n’étant bon qu’à faire soumettre d’illustres adversaires. Pendant des années, il fut salué par la chanson des 'The Proclaimers, I’m gonna be' (500 miles), modifiée pour inclure la ligne : " Il courra 500 miles, et il en courra 500 de plus."
Mais Fletch chercha à étendre les paramètres de son jeu avec le coach de l’équipe première Rene Meulensteen, qui travailla de près avec lui alors qu’il cherchait à rebondir après une blessure au genou au début de l’année 2008. Il fut le témoin direct de la volonté de Fletcher d’évoluer.

"Nous avons fait beaucoup d’exercices avec le ballon, et il a vraiment appris de ça. Nous avons parlé d’ajouter des armes à sa panoplie et faire de lui un milieu de terrain plus complet. Il est sans aucun doute devenu plus adroit, et a beaucoup plus confiance en lui sur le terrain. Son jeu de passe est meilleur. Il avait tendance à faire des passes en arrière, maintenant il peut faire passer le ballon vers l’avant. En règle générale, il est devenu un footballeur plus complet techniquement."

"La chose qui ressort, et c’est ce qui caractérise Fletch, c’est son incroyable conduite et son agressivité pour souder l’équipe. Il a une incroyable cadence qui donne de l’énergie à l’équipe entière. Il entraîne les autres joueurs avec lui. Cet ensemble, associé avec l’expérience de jouer de plus grands matchs, ont fait de lui le footballeur qu’il est aujourd’hui."

"Vous ne pouvez pas compter sur le fait de prendre la possession et espérer ne pas la perdre trop souvent. Vous avez besoin de cette compétence. Si vous voulez gagner des trophées et des titres, vous avez besoin de joueurs comme Fletch, clairement. Il est ce qu’on appelle un joueur complet maintenant. Avant, il était bon dans son travail défensif, mais il ne produisait pas de jeu vers l’avant. C’est ce qu’il fait maintenant."

L’importance grandissante de Fletcher à la cause de United fut douloureusement soulignée durant la défaite contre Barcelone à Rome. Terrible ironie que d’être privé de finale une deuxième fois, après la déception de la saison dernière. Son sévère carton rouge dans la demi-finale retour contre Arsenal l’a privé d’une titularisation presque certaine contre les catalans, et sa capacité à gagner les ballons et à garder la possession de la balle ont clairement manqué à l’équipe durant ce match.

Mais, même lorsqu’il est sorti du terrain de l’Emirates, Fletcher marchait avec la plus grande dignité vers la sortie, lançant à peine un regard à l’arbitre qui l’avait simplement privé d’un rêve. Le but était de regarder vers l’avant, alors qu’il a devant lui une carrière dont les horizons s’annoncent chaque jour plus grands et plus brillants.